Virage
Avoir pour la première fois la possibilité de se retrouver assise autour d'une table ronde avec neuf autres enseignants connus, déjà vus ou inconnus. Avoir la possibilité au cours d'un tour de table de se présenter, parler de son parcours, de ses difficultés, de ses attentes. Se sentir écoutée, réaliser que ces personnes cherchent à comprendre le mal être face à l'exercice de cette profession.
Je les ai écoutés discuter, la plupart étaient plutôt en fin de carrière. Ils s'interrogeaient sur nos pratiques, se demandaient quel était le bien fondé de certaines de ces réformes que l'on nous impose sans nous demander jamais notre avis. Où était notre liberté pédagogique, notre libre arbitre de professionnel?
Et j'ai compris. J'ai compris, après quasiment vingt deux années en tant qu'élève et dix années en tant qu'enseignante, ce qui n'allait pas. J'ai toujours cherché à rester dans les rangs, être dans le moule, être une "bonne élève", bien écouter la question, regarder celui qui la pose et répondre ce qui était attendu. Et cette volonté "de bien faire" se retrouve dans ma pratique d'enseignante. Mais d'un autre côté, une autre partie de moi, savait bien que l'essentiel n'était pas là. Essayer de correspondre au "modèle donné" n'est pas devenir un adulte sûr de ses choix. J'ai trop longtemps mis de côte l'essentiel, l'épanouissement personnel. Et ça dans tous les domaines. Pour moi, pour mon mari, pour mes enfants, pour mes élèves. L'essentiel est de savoir ce que l'on veut, d'avoir confiance en soi et de se savoir libre de faire ses propres choix. Se savoir capable d'aller dans la directon qui nous semble être la bonne à partir du moment où l'on est profondément convaincu que c'est la meilleure à cet instant précis. Se sentir capable aussi d'évaluer, de réajuster, de changer de direction si nécessaire. Se sentir en confiance et se faire confiance. Ne pas voir uniquement les conséquences d'un "échec" mais le bénéfice à tirer de toute expérience. Savoir s'accorder du temps pour parvenir à ses fins, les nôtres celles que l'on s'est fixées. Et pas celles que l'on impose ou qu'on nous vante comme les meilleures. Je voudrais arrêter de reproduire ce qui m'a fait "souffrir", ne plus avoir peur de me tromper!
Je ne veux plus voir les enfants qui viennent dans ma classe comme des élèves en réussite ou en difficultés mais comme des petites personnes avec chacune leurs qualités, leurs comportements, leur besoin d'être pris en compte individuellement, leurs préférences, leur savoir faire. L'objectif étant pour moi qu'ils deviennent des personnes qui se connaissent bien, épanouis sachant trouver leur place dans la société. Pas une place choisie parmi celles qu'on leur propose, juste celle qu'ils estiment être la leur...
Et par la même occasion continuer ma route pour trouver ma place et aider mes filles à trouver la leur!